Je commencerais ce premier article sur mon nouveau blog par une préface écrite par mon ami Charles Gaidy. Celle-ci était destinée à un livre sur le fly tying que j’avais quasiment terminé, j’ai renoncé à le diffuser. Je ne pouvais pas trouver un meilleur auteur pour me présenter, une longue amitié sans aucun nuage, ce qui est rare de nos jours dans notre milieu de plus en plus médiatisé.
Merci Charles
Alors que je viens d’atteindre les 75 ans, au cours de ma vie de pêcheur à la mouche artificielle débutée alors que j’étais encore gamin, j’ai capturé des poissons fantastiques, découvert des régions et leurs rivières merveilleuses et…… des pêcheurs passionnés souvent passionnants, voire très passionnants. Gérard Piquard est l’un de ceux-là. Je l’ai rencontré, la première fois je crois, lors d’une belle soirée de fermeture de la pêche en Slovénie chez mon ami Branko Gasparin alors que je dînais en compagnie de deux amis dans la cuisine. De la salle à manger nous parvenaient des conversations ponctuées, parfois, de forts éclats de rire. J’avais l’impression qu’il y faisait bon se chambrer gentiment entre copains. C’étaient des Français venus là, dans ce haut-lieu de la pêche à la mouche, pour y passer quelques journées à la conquête des truites et ombres de l’Idrijca, de la Baca, de la Soca et autres fabuleuses rivières de ce coin slovène réputé.
Un personnage, à la forte voix, attirait l’attention de ses amis : Gérard Piquard ! On y parlait bien sûr de la pêche de la journée mais surtout de mouches artificielles avec description très détaillée de leur montage. Incontestablement Gérard captivait son auditoire parmi lequel un des pêcheurs semblait unir le groupe. J’appris à le connaître aussi ; il était un des piliers de l’équipe ; son surnom : Loulou. Si je le cite dans ce bref propos, c’est qu’il disparut tragiquement lors d’un accident de la route quelques mois plus tard et que, immanquablement, on évoque toujours les aventures de pêche vécues en sa compagnie tant sa tragique disparition a laissé un grand vide parmi ses amis.
Charles Gaidy en action sur une rivière Autrichienne.
Je sais, Gérard, que tu seras heureux que l’on honore sa mémoire pour débuter ce livre.
Gérard Piquard, pur franc-comtois bien vite gagné par les joies de la pêche à la mouche tant les rivières réputées et leurs … farouches et combatifs salmonidés sont omniprésents dans cette région bénie des dieux, a consacré une grande part de ses loisirs à cette discipline toute faite de techniques, tactiques et observations. Mais ce n’est pas tout ; il maîtrise la photographie comme un véritable pro ; il connaît et cueille les champignons en en connaissant toutes les qualités gastronomiques; il part à la recherche d’herbes, fleurs et plantes dont il sait leurs vertus pour en faire des sorbets, des crèmes, sirops et liqueurs incomparables. Longtemps aussi, il a pratiqué la spéléologie. C’est aussi un fin jardinier.
Surtout, comme c’est un des grands pêcheurs de notre époque, il confectionne ses mouches artificielles toutes issues d’une profonde observation des insectes du bord de l’eau, de leurs mœurs, des dates d’apparition et durée de leur vie, du pouvoir attractif des larves, subimagos et imagos qu’ils exercent sur les poissons moucheurs de plus en plus méfiants et difficiles à capturer.
Comme il a longtemps exercé la mission délicate de garde-pêche sur les berges de la fantastique Loue dans les environs de Cademène, il a connu les plus « grands » dont il a pu observer leurs boîtes à mouches. Son œil expert a vite fait de remarquer les meilleures dont il a su, par la suite, améliorer les qualités en supprimant tout superflu car il sait, mieux que quiconque, que le « trop » souvent nuit.
Charle Gaidy dans son atelier, devant un superbe tableau d’Ephemera danica
Utilisant toujours des matériaux de première qualité, il possède des tours de mains étonnants qu’il se plaît d’ailleurs à démontrer car il n’a rien à cacher et, de plus, c’est un pédagogue reconnu. Avec lui, pas de termes compliqués, des paroles justes et une patience de tous les instants.
Devant son étau, entre ses doigts sortent des mouches d’une finesse extraordinaire et pourtant… pourtant, n’a-t-il pas quelques instants auparavant manié avec dextérité la scie à bûches, la hache et la tronçonneuse pour entasser quelques stères de bois. Les hivers sont rudes à Montrond le Château !
Montage de la célebre Merlinoise par son auteur
Qu’importe : les mouches d’Ornans finement assemblées sur de minuscules hameçons, les subtiles montages « parachutes », ou bien les réalistes nymphes aux teintes incroyables, et bien d’autres encore, n’ont que faire des rigueurs de l’hiver. L’atelier possède tout le confort et l’agencement souhaités. Le logis est douillet, la table accueillante. Josiane, l’épouse de Gérard, est là : c’est la fée du logis qui cuisine, veille et accueille toujours gentiment le visiteur qui prend possession de la chambre d’hôte pour, justement, dès le lendemain profiter des conseils généreusement prodigués par Gérard.
De ses lointains voyages, Gérard ramène toujours quelques trouvailles, mais « ses » mouches ont fait leurs preuves partout. Elles sont le fruit d’une passion dévorante qui le fait militer intensément pour la défense de la qualité des cours d’eau. Les heures passées sur les berges et dans l’eau en ont fait un expert écouté. Il n’est pas technocrate, il est homme de terrain qui sait ce qu’il dit. Pour notre plus grand bonheur !
Voilà un livre qui doit faire date. Tes amis et les lecteurs qui ne manqueront pas doivent te remercier.
C’est, en tout cas, un très grand honneur que tu m’as fait, cher Gérard, en me demandant de bien vouloir préfacer ce monument pour lequel je souhaite vivement un franc succès.
Charles GAIDY
Saint-Dézéry (Corrèze). 20 Février 2015.